Le Salvador a été le premier pays à avoir légalisé le bitcoin comme monnaie d'échange officielle. Un an après cette officialisation - c'était le 7 septembre 2021 - le bilan est mitigé. Comme le résume Maria Aguirre : 2021 a été « une bonne année, mais depuis cinq mois, le bitcoin ne fait que baisser. Nous essayons cependant de continuer à l'utiliser », indique cette commerçante à El Zonte, une station balnéaire où la cryptomonnaie a été adoptée avec enthousiasme.
Petit retour en arrière. En juin 2021, le Parlement salvadorien a fait voter une loi qui fait de la doyenne des cryptomonnaies une monnaie d'échange légale dans le pays, aux côtés du dollar. Commerçants, restaurants, entreprises, et même l'État, sont depuis obligés d'accepter le bitcoin comme moyen de paiement.
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L'objectif principal du Salvador via cette décision était de favoriser les transferts d'argent des quelque trois millions d'émigrés, principalement aux États-Unis, vers leurs proches restés au pays, en économisant les frais bancaires. Ces mouvements ont représenté en 2020 quelque six milliards de dollars (5 milliards d'euros), l'équivalent de 23% environ du produit intérieur brut du Salvador, selon l'agence Reuters. Pour le président Nayib Bukele, le bitcoin permettrait aux Salvadoriens d'économiser 400 millions de dollars de frais bancaires lors des envois d'argent par la diaspora.
Un an après, le résultat est loin de ce qui était escompté : « moins de 2% » des envois d'argent des émigrés sont passés par la cryptomonnaie, relève Carlos Acevedo, ex-président de la Banque centrale salvadorienne. « Pendant un moment, oui, j'ai utilisé le bitcoin. Mais au train où vont les choses, je n'ai plus confiance », témoigne Carmen Mejia, une étudiante de 22 ans, revenue exclusivement au dollar.
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Désenchantement
L'histoire partait pourtant bien. Les quatre premiers mois de son officialisation, le dispositif permettant d'utiliser le bitcoin a été téléchargé 4 millions de fois sur les téléphones portables, pour une population de 6,6 millions de Salvadoriens. En septembre 2021, le bitcoin valait environ 45.000 dollars. Et même 68.000 dollars trois mois plus tard.
Dans l'euphorie, le président salvadorien a annoncé qu'il utiliserait les gains pour construire un hôpital vétérinaire public. Il a ensuite lancé l'idée d'émettre un emprunt d'un milliard de dollars en cryptomonnaie pour édifier une "Bitcoin City".
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Le retour de bâton est depuis arrivé. La chute vertigineuse du bitcoin, actuellement en-dessous de la barre des 20.000 dollars, a reporté ces projets grandioses.
À El Zonte, Maria y croit encore et invoque les conseils prodigués par les "experts" de la station balnéaire : « Lorsque le bitcoin est à la baisse, il ne faut pas y toucher (pour faire le change en dollar), sinon on perd tout ».
57 millions de dollars de pertes
Selon l'agence de notation financière Moody's, le gouvernement de Nayib Bukele « a dépensé environ 375 millions de dollars pour le déploiement du bitcoin, dont environ 106 millions de dollars provenant du Trésor pour acheter des bitcoins, ce qui a entraîné des pertes non réalisées d'environ 57 millions de dollars ».
Le président Bukele entend néanmoins se refaire en profitant de la baisse : il a acheté pour le Salvador 80 bitcoins au cours de 19.000 dollars, portant le panier du pays à un total de 2.381 bitcoins acquis au cours des douze derniers mois. En juin, il a prêché « la patience » et a recommandé d' « arrêter de regarder la courbe » du change bitcoin-dollar.
Pour l'ex-président de la Banque centrale, le pari présidentiel sur le bitcoin est « raté », au moins pour le moment. Mais « ce n'est pas encore un échec, car (le marché) peut se redresser », faisant sortir le bitcoin et le pays de "l'hiver crypto".
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Relations tendues avec le FMI
Reste que l'effondrement du bitcoin n'a pas seulement « un effet psychologique sur les gens ». Son adoption a aussi « compliqué » les négociations du Salvador avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 1,3 milliard de dollars, relève encore Carlos Acevedo, ex-président de la Banque centrale. L'institution s'est toujours affichée hostile à la décision du Salvador et l'a plusieurs fois exhorté à « supprimer le statut légal du bitcoin ».
Confronté à un risque de défaut sur le service de la dette qui dépasse 80% du PIB, le président Bukele a annoncé en juillet un plan de rachat de bons à échéance 2023 et 2025 en assurant que le pays ne manque pas de liquidités.
Le "risque pays" en a été certes amélioré de 35% à 25%, mais « il est impensable que le Salvador puisse revenir sur les marchés conventionnels d'emprunt tant que le risque pays ne baisse pas au moins à 5% », juge Carlos Acevedo.
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(Avec AFP)
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Author: Charles Oliver
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